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Recherche & Développement

Mucilage de cacao : co-produit aux potentiels méconnus

Temps de lecture : 4 minutes

La valorisation des co-produits suscite aujourd’hui un intérêt de plus en plus grandissant. Les différentes industries, notamment l’industrie agroalimentaire, se tournent vers la valorisation de ceux-ci pour répondre à différents défis environnementaux et technologiques. Cet article va cibler un co-produit qui reste assez méconnu: le mucilage de cacao.

Projet mené par les étudiants du master 2 parcours Innovation et sciences des aliments (MIAMSA) de l’université de Rennes, promotion 2023-2024 : Ahmat Sougoudi Aché, Chauvin Camille, Chériaux Tiphaine, Malhomme Clara, Pinto Enora

Article rédigé par les étudiants

Encadrement : Centre Culinaire Conseil – Marie-Loïc GARIN et Emilie ROBIN

Exploitation d’un co-produit

Très peu exploitée jusqu’à présent, la valorisation du mucilage de cacao pourrait être bénéfique tant pour l’industrie cacaoyère que pour l’environnement. Ce mucilage est issu de la cabosse et peut représenter jusqu’à un tiers du poids de celle-ci. Ce composant constitue la pulpe blanche entourant les fèves de cacao desquelles est obtenu le chocolat.

Le mucilage peut être récupéré directement après la récolte des cabosses, par séparation mécanique ou bien par liquéfaction au cours de la fermentation. Celle-ci, nécessaire au développement des qualités aromatiques du chocolat, se compose de deux phases.

La première est anaérobie et dure entre 48 et 72h. Au cours de cette phase, des levures métabolisent les sucres composant le mucilage en éthanol et dioxyde de carbone (fermentation alcoolique). Des bactéries lactiques dégradent ensuite les sucres fermentés cibles, comme le glucose, en acide lactique (fermentation lactique). À la suite de cela, la seconde phase fermentaire qui est aérobie, se fait grâce à l’action de bactéries acétiques. Ces bactéries oxydent l’éthanol et l’acide lactique, respectivement produits au cours des fermentations alcoolique et lactique, en acide acétique.

Au cours de la fermentation, la viscosité du mucilage est réduite lors de l’hydrolyse enzymatique de la pectine qu’il contient, ce qui induit une liquéfaction de la pulpe de cacao. La fermentation a également un effet sur la composition du mucilage puisque les sucres le composant (notamment le glucose) sont consommés et convertis en acides.

Propriétés nutritionnelles et fonctionnelles

La composition du mucilage de cacao diffère selon l’étape à laquelle il est récupéré (avant ou après fermentation) mais aussi selon la variété des cabosses et leur période de récolte. Le mucilage est majoritairement constitué de glucides (12 à 17 %), comme le saccharose et le glucose, dont les teneurs sont réduites au cours de la fermentation. Des quantités plus faibles de lipides et de protéines (respectivement 1,9 et 5,5 %) sont également présentes, ainsi que de nombreuses fibres solubles et insolubles (environ 17 %). Le mucilage de cacao contient aussi de nombreux composés anti-oxydants tels que les acides fumarique et succinique, intéressants pour leurs propriétés bioactives.

Le mucilage de cacao présente une composition nutritionnelle intéressante qui peut être exploitée, notamment dans des applications alimentaires. Bien que plusieurs études aient mis en lumière ses valeurs physico-chimiques (Aw, pH…) et ses propriétés aromatiques et antioxydantes, très peu se sont penchées sur ses propriétés techno-fonctionnelles. Pour valoriser ce produit dans des applications agroalimentaires, il est impératif de connaître précisément ses caractéristiques techno-fonctionnelles.

Il est possible de supposer que le mucilage de cacao comporte des propriétés moussantes, émulsifiantes ou gélifiantes, au même titre que d’autres mucilages végétaux déjà étudiés (chia, tamarin, cactus…), mais cela demeure hypothétique. Il est vrai que ces différents mucilages végétaux partagent des propriétés similaires, toutefois il est difficile d’extrapoler ces caractéristiques sur le mucilage de cacao en raison d’une grande variabilité inter-espèce et intra-espèce. D’autre part, la richesse en fibres solubles, connues pour leur capacité de rétention d’eau, suggère des propriétés gélifiantes, épaississantes et stabilisantes qui pourraient être attribuées au mucilage de cacao. Finalement, ce manque de connaissance sur les propriétés du mucilage de cacao conduit à une nécessité d’études autour de cette matière afin de définir ses propriétés spécifiques.

L’innovation autour du mucilage de cacao

Malgré le manque de recherches approfondies sur les propriétés du mucilage de cacao, certaines entreprises commercialisent déjà des produits en contenant. En effet, une des premières applications rencontrées est la valorisation du mucilage de cacao en moût fermentescible afin de créer du vin en 2007 (Dias et al., 2007). Le « jus de cacao », une boisson sans alcool, a également vu le jour en 2018 (Monsieur Txokola, 2018).

Du côté des innovations solides, on peut citer la gelée de mucilage de cacao à tartiner (Maison Duplanteur, 2021), le concentré de mucilage « Oabika » destiné à une utilisation en pâtisserie pour accompagner des recettes, et le « Evocao », un chocolat obtenu à partir des fèves de cacao ainsi que par la valorisation de tous les composants de la cabosse, dont le mucilage (Cacao Barry, 2023).

 

Figure 1 : Illustrations des différentes innovations à base de mucilage de cacao. De gauche à droite : Boisson à base de mucilage (Mr Txocola), chocolat « Evocao » contenant du mucilage (Cacao Barry), Fondant à la pulpe de cacao (Maison Duplanteur) et concentré de jus de cacao « Oabika » (Valrhona)

 

Bien que le cacao soit largement utilisé, la valorisation de ses co-produits, en particulier celle du mucilage de cacao, est relativement récente. L’intérêt croissant pour cette matière dans l’industrie agroalimentaire s’est manifesté à travers plusieurs applications alimentaires autour du mucilage de cacao. Cependant, ces innovations demeurent centrées sur les propriétés aromatiques et antioxydantes du mucilage. Compte tenu de la composition physico-chimique, il serait pertinent d’explorer d’autres propriétés, notamment les aspects texturants du mucilage. Des recherches approfondies sont indispensables pour maximiser l’utilité de ce co-produit et minimiser son impact environnemental. En collaboration avec des étudiantes du master nutrition et sciences des aliments de l’université de Rennes, des études seront menées pour caractériser les propriétés techno-fonctionnelles de ce co-produit afin de mettre en évidence des potentielles applications alimentaires.

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Emilie ROBINEmilie ROBIN

Écrit par Emilie ROBIN

Emilie est conseiller culinaire spécialiste en industrie agroalimentaire au Centre Culinaire Conseil #restauration #R&D #agroalimentaire