Erwan Etrillard gère avec sa sœur une production d’œufs bio. Le confinement dû à la crise sanitaire a entrainé une explosion des demandes en GMS. Erwan revient sur les premières semaines de confinement où l’activité a été intense avec une demande en œufs très forte !
[Centre Culinaire] – Qui êtes-vous ?
[Erwan Etrillard] – Avec ma sœur, nous gérons une exploitation de 2 types de productions. Viande bovine tout d’abord, distribuée en circuit traditionnel via une coopérative puis en circuit court pour le marché de la restauration. Puis, une production d’œufs bios que nous vendons essentiellement en direct aux restaurateurs et en GMS, en magasins de producteurs et en magasins bios.
En quoi les annonces du gouvernement ont impacté votre activité ?
Toute notre activité autour de la restauration hors foyer a été stoppée nette. Cela représente un tiers de notre activité sur les œufs et une plus petite partie sur notre activité viande. Cette perte d’activité a immédiatement été palliée par une demande extrêmement forte en œufs dans les magasins.
Dès la semaine avant l’annonce du confinement nous avons observés un phénomène de création de stocks forts par les consommateurs. Les commandes de la GMS ont alors doublé car les centrales d’achat n’avaient pas la capacité de répondre à la demande (moins de personnels, manque d’emballages suffisants…). Nous nous sommes mis en ordre de marche pour pouvoir répondre à la demande, qui était multipliée par 3 ! Sur la plus grosse semaine au début du confinement nous avons livré 60 000 œufs vs 21 000 habituellement. Nous avons livré plusieurs fois par semaines, car nos poules n’ont pas pondu plus vite bien entendu ! De 3 livraisons par semaines nous sommes passés à 6, des établissements proposaient de venir chercher les œufs directement sur l’exploitation, ou encore de nous aider à conditionner. Les magasins me disaient de leur apporter « tout ce que je pouvais », de nouveaux points de ventes m’appelaient pour me référencer et me distribuer dans leurs rayons. La pression de la demande était forte.
Certains consommateurs nous ont même contacté pour venir chercher des œufs directement sur l’exploitation. Nous avons refusé, nous ne sommes pas sur ce créneau et il nous était impossible de mettre cela en place en cette période où tout était centré sur le conditionnement et l’approvisionnement des magasins avec qui nous avons l’habitude de travailler.
Pourquoi un tel engouement vers les œufs ?
En magasin nous avons observé un certain mouvement de panique des consommateurs avant l’annonce du confinement et au début de celui-ci. Ils ne regardaient même pas les catégories d’œufs, ils voulaient des œufs, point. Quel que soit la qualité, le prix : ils faisaient des stocks. J’ai vu certains consommateurs se servir directement dans les palettes en rayon. Du jamais vu !
Il y a eu dans cette situation de crise inédite une certaine peur de manquer, de ne plus pouvoir s’approvisionner. L’œuf est une denrée qui se conserve, c’est également un produit que je qualifie de « facile » : un œuf peut être consommé au petit déjeuner, dans un plat, dans un dessert… C’est également un apport de protéine facile, et pas cher. Et en cette période, une partie de la population s’est remis au fourneau, les œufs offrent de nombreuses possibilités. Et pour ceux qui ne savent pas trop cuisiner, les œufs se préparent facilement. J’observe que certains consommateurs sont pendant ce confinement dans un schéma de nécessité à faire à manger, pas de plaisir. Lorsque son enfant va à l’école on ne se soucie pas de son repas du midi généralement. Pendant le confinement il faut assurer tous les repas, cela peut devenir cauchemardesque pour certaines personnes.
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Selon vous, en quoi cette crise va impacter les usages et habitudes de vos consommateurs ?
Nous avons pénétré un marché 3 fois plus important que d’habitude, j’espère que la qualité de nos œufs bio aura convaincus de nouveaux consommateurs ! D’une manière plus globale, il est très difficile d’anticiper la réaction des consommateurs. J’ai envie de penser qu’ils vont continuer à acheter du bio, vont mieux consommer, vont se tourner vers des productions locales, en tout cas je le souhaite. Les consommateurs vont revenir aux sources, à la proximité, il y a une certaine prise de conscience qui s’opère. Malheureusement je mets cela également en regard d’un pouvoir d’achat qui va diminuer pour une partie de la population. La mise au chômage partiel généralisée aura des impacts non négligeables sur le budget des ménages.
Je serai très attentif à « l’après », en espérant réellement pouvoir être un acteur de ces changements qui s’opèrent.