Loin des nouvelles technologies, mortiers et pilons ne sont pas utilisés que pour la beauté du geste. Ils ont plus que jamais leur place dans les cuisines des chefs. Ils sont les alliés d’une cuisine 100 % naturelle, saine, haute en saveur et en couleur ! Le Centre Culinaire s’est intéressé aux usages des différents mortiers et pilons qui font la richesse culinaire de certains pays du monde.
Le mortier et son pilon : praticité et polyvalence à l’honneur
Descendant des outils du Néolithique et utilisé à l’antiquité romaine (pour fabriquer le Garum, condiment à base de poisson fermenté) la pratique inimitable du pilon est toujours utilisée de façon quotidienne dans le monde.
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Seule cette technique permet aux chefs d’obtenir certaines textures, certaines saveurs mais également de conserver des couleurs, des arômes, de la fraîcheur… La praticité et la polyvalence de l’ustensile font que le mortier n’a jamais disparu des cuisines malgré un essor grandissant des robots et des aides culinaires.
Lien commun à toutes les formes des pilons : la main des chefs qui les animent, qui les fait vivre, et avec qui un lien fort se crée. Le geste simple permet de libérer les arômes et les éléments actifs de bien des condiments, utilisant la seule énergie de la main de l’homme.
Qu’est-ce qu’un pilon ?
Dans sa forme actuelle le récipient (mortier), est toujours accompagné de son pilon.
Il existe deux grands types de pilon/mortier :
- Le grand pilon, à l’instar du pilon africain, qui exerce une percussion verticale et perpendiculaire au mortier avec pour vocation de monder, concasser et réduire en poudre les ingrédients. On parle alors de pilage et on y travaille le plus souvent une seule matière (céréales, tubercules, racines).
Le petit pilon (le pilon/mortier de nos cuisines), avec lequel on associe le plus souvent des mouvements de percussion verticaux à des mouvements de frictions circulaires. Il s’agit alors plutôt de broyage. On y assemble différents ingrédients pour obtenir, in fine, un mélange intimement lié à la texture et au goût unique. Le plus souvent, le mortier et le pilon sont fabriqués en bois, en pierre, en porcelaine, en métal, en verre ou en céramique.
- En bois, il est plus simple à utiliser, notamment pour les herbes aromatiques qui auraient tendance à glisser sur de l’inox ou sur du verre.
- En inox, en céramique et en verre, les mortiers ont des avantages non négligeables : la préparation ne s’imprègne pas, il n’y a donc pas de mélanges de saveurs avec d’autres éléments pilonnés préalablement.
Le bout du pilon peut être rond ou plat :
- Un bout rond permet généralement de mieux écraser les épices ou les herbes aromatiques dans un mortier.
- Un bout plat fonctionne très bien pour casser de gros éléments type millet. Les bouts plats sont souvent ornés de picots pour éviter au pilon de glisser et faciliter le travail.
Quels usages avec un pilon ?
Monder, concasser, écraser, broyer, pulvériser, triturer… selon les ingrédients mis en œuvre (secs, humides, mous, durs…), la force appliquée et le geste réalisé, on obtiendra une multitude de textures différentes allant de la poudre jusqu’à la pâte.
Pour une utilisation optimale de cet ustensile, le mortier doit être maintenu fermement, le pilon venant broyer les ingrédients par des mouvements répétitifs de percussion verticale et de friction circulaire.
Pour les graines et les épices, on appliquera une percussion verticale plus ou moins forte selon le résultat attendu. Alors que pour réaliser des mélanges humides (pâtes, marinades, sauces) on privilégiera la friction circulaire afin d’en extraire tous les sucs. Plus le temps de friction sera long et plus le mélange sera intime. Souvent composée d’une partie aqueuse et d’une partie huileuse, la friction répétée aboutira à la création d’une émulsion.
C’est d’ailleurs au pilon/mortier qu’était traditionnellement réalisés les aïolis et pistous (qui doit d’ailleurs son nom au pilon : “piston”) et bien d’autres préparations culinaires à travers le monde, comme les pâtes de curry.
Si le pilon/mortier garde, encore aujourd’hui, une place de choix dans la cuisine des chefs c’est aussi parce que, contrairement aux robots ménagers et matériels électriques, l’action maîtrisée du pilon, bien que mainte fois répétée, ne chauffe pas la préparation et permet de garder toute la saveur des herbes, épices et condiments.
Suivant les préparations, les chefs vont généralement préférer un mortier lourd, massif, en pierre pour éviter qu’il ne dérape ou ne bascule. Des bords hauts vont être privilégiés pour éviter que la préparation ne s’échappe lors de son utilisation.
Mortiers et pilons à travers le monde – Préparations culinaires associées
Outil ancestral lié à la préparation des aliments, on retrouve les pilons/mortiers encore aujourd’hui dans les cuisines du monde entier. De formes et de tailles différentes ils sont utilisés pour la confection des bases aromatiques entrant dans la confection des plats emblématiques nationaux.
© illustrations : propriété du Centre Culinaire Contemporain
Mexique :
- Molcajete
Elaboré à partir de pierres volcaniques sculptées en forme de concave, le molcajete est composé de deux parties sculptées de la même pierre : la base (molcajete) et le pilon (tejolote).
Le mole est un exemple de sauce confectionnée avec le molcajete : c’est une sauce à base de piment, cacao ou chocolat, sésame, cacahuète, tomate, tortilla frite et émiettée.
- Le Metate fait également parti du paysage mexicain. Pierre plate ou légèrement concave, le metate dérive d’une pierre plate et est accompagné de son pilon (mano).
Différentes tailles de meules existent : les petits sont utilisés pour les noix, piments et graines, là où les grands servent à moudre le maïs séché pour en faire de la farine.
Maghreb :
- Mehraz
En métal ou en bois, le mehraz est un récipient cylindrique accompagné de son pilon qui sert à broyer le contenu du récipient. Plantes, épices, café y sont moulues.
Le Dersa, mélange très utilisé dans la cuisine algérienne, est souvent élaboré dans un mehraz. Il est composé d’épices et de condiments réduits en purées destinées à la préparation de marinades, de tajines, de chtitha, de brochettes…
Le zviti est une entrée algérienne préparée dans un mehraz en bois. C’est une salade qui se mange chaude, à base de galette, de piments verts et/ou rouges, d’ail, de tomates parfumées à la coriandre fraîche et à l’huile d’olive.
Réunion :
- Kalou
En pierre, le kalou est l’ustensile incontournable de la cuisine réunionnaise. Gingembre, sel et piment y sont pilés pour préparer le célèbre carry.
Japon :
- Suribachi
Le suribachi est le mortier japonais, il est accompagné du surikogi, son pilon. Il s’agit d’un mortier en céramique dont le fond est garni d’épaisses stries pour broyer le grain. Le sésame est traditionnellement pilé dans le suribachi pour réaliser le gomasio.
Italie :
- Mortaio et pestello
Le pesto est l’emblème de la préparation italienne préparée au pilon. Pignons de pain, basilic, huile d’olive, ail, parmesan ou pecorino râpé sont travaillés dans le mortier pour réaliser le pesto. Il faut les travailler suffisamment longtemps pour que l’émulsion se forme et devienne stable.
Afrique :
En Afrique, le mortier est l’ustensile de cuisine indispensable, il a une fonction centrale et ancestrale. Il existe des mortiers et des pilons de toutes tailles. Les plus petits servent aux herbes aromatiques et les plus grands (voire très grands et très lourds) servent à réduire des céréales (maïs, mil, riz…) et des rhizomes (manioc, igname…) en farine ou en pâte.
D’autres plats incontournables sont réalisés au pilon à travers le monde :
- Le Sambal en Indonésie
- Le Kroeung au Cambodge
- Le Garam Massala en Inde
- Le Guacamole au Mexique
- Le Chimichurri en Amérique du Sud
- Le Dukkah en Egypte
- L’Aïoli au nord de la Méditerranée
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Le pilon fait partie d’une catégorie très particulière d’ustensiles. Celle qui traverse les âges et a une reconnaissance et une utilité incontestable encore aujourd’hui.
Témoignage des outils primitifs de transformation des aliments, le pilon/mortier reste encore un outil incontournable de notre quotidien culinaire. Tel un calice, on y prépare des mélanges aromatiques, marqueurs culinaires des cuisines du monde entier.
Pour son bon fonctionnement la maîtrise du geste est indispensable. La main de l’homme maîtrise le geste et l’effort consenti pour mêler les ingrédients et obtenir la texture et le goût souhaité qui donnera tout le caractère à la recette.
C’est pour cela qu’au Centre Culinaire nous intégrons les compétences de nos conseillers culinaires dans vos projets d’innovation afin d’apporter une réponse la plus juste possible culinairement parlant.
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