A la direction de l’entrepôt METRO de Rennes, Frédéric Di Siena nous partage l’impact de la crise sanitaire sur son activité. Après la fermeture des restaurants, METRO Rennes a vu son chiffre d’affaires diminuer de 60 %. La livraison a été l’un des facteurs clés pour répondre aux nouvelles attentes et continuer à maintenir un niveau d’activité suffisant.
[Centre Culinaire] – Qui êtes-vous ?
[Frédéric Di Siena] – Je suis directeur de l’entrepôt METRO Rennes depuis 1 an. J’ai effectué une bonne partie de ma carrière dans la société METRO, j’y suis depuis 25 ans. Comme tous les directeurs d’entrepôt, j’ai une fonction transversale sur des missions de bureau d’étude, de services après-vente et de solutions digitales sur le bassin grand ouest. METRO a aussi un découpage de mission transversale par métier et je suis en charge des métiers Traiteurs événementiels et de la Boucherie Charcuterie
En quoi la crise du COVID19 et les annonces du gouvernement ont impacté votre activité ?
Stratégiquement, METRO priorise depuis 5 ans les cibles que l’on appelle les « transformateurs », c’est-à-dire la restauration traditionnelle et rapide. Mais aussi les boulangeries pâtisseries, les bouchers charcutiers et les cafés-bars. Nous avons progressivement réduit les offres et assortiments à destination des revendeurs : alimentations générales, épicerie, primeurs, cavistes…
La crise a impacté notre activité de façon radicale. Nous avons perdu 60 % de notre chiffre d’affaires à la suite de la fermeture des restaurants, des cafés, des bars… C’est finalement notre plus grande cible client qui a été touchée ! Nous avons en revanche continué à travailler avec la boulangerie, la boucherie charcuterie, et les revendeurs que nous avions un peu délaissés et qui eux ont continué à travailler.
Avez-vous mis en place des actions spécifiques face à la crise pour répondre aux attentes de vos clients ?
Pour retrouver une partie du chiffre d’affaires perdu, nous avons mis en place des offres spécifiques sur les cibles qui restaient actives : promotion, communication par SMS, plan d’action commerciale ciblé. Nous avons recentré nos offres sur les activités qui restaient ouvertes.
La livraison est restée active car certain de nos clients en zone éloignée ont continué leur activité. C’était aussi une solution à apporter à nos clients qui ne souhaitaient ou ne pouvaient plus se déplacer. On a récupéré beaucoup de clients qui venaient à l’entrepôt habituellement et qui sont passés automatiquement sur la livraison pendant cette période de confinement.
Depuis mi-avril, on voit que l’activité se relance un peu. Pour relancer son activité, la restauration traditionnelle propose de la livraison et de la vente à emporter. Ils nous sollicitent pour être livrés, l’activité reprend alors pour nous sur ces cibles là également.
Il y a eu un gros creux le 1er mois, mais ces initiatives permettent à METRO de retrouver du chiffre d’affaires grâce à la livraison. Nous garantissons également un service minimum sur l’entrepôt pour ceux qui souhaitent venir. Le fait d’être multicanal est une force par rapport à nos concurrents en livraison exclusive et nous a permis de faire mieux que ce que l’on espérait. Nous avions envisagé un atterrissage à – 80% et en fait on est à – 60%.
Quels impacts sur vos équipes et vos missions au quotidien ?
Aujourd’hui, sur 80 collaborateurs, je tourne avec une équipe de 20 personnes sur l’entrepôt, avec des rotations tous les 15 jours de façon équitable.
Pour anticiper la reprise, avec les 4 autres directeurs d’entrepôt de la région nous travaillons sur un plan de relance en lien avec les forces commerciales. Cela passe par une forte réflexion sur l’accompagnement de nos clients sur la vente à emporter notamment. Nous travaillons sur les solutions digitales, sur les emballages jetables et durables et sur l’offre produit. Il est important aussi de donner de la visibilité à nos clients sur l’offre de produits sanitaires (gants, masque, plexi, gel). Nous la rendons accessible via la plateforme METRO et sa marketplace. METRO se doit d’être acteur de la réussite de ses clients et de les accompagner au mieux vers la reprise.
L’équipe bureau d’étude METRO réfléchit aux services à proposer aux restaurateurs pour les accompagner sur une évolution de leur offre sur place vers une partie à emporter. Il faut réfléchir à des solutions matériels et servicielles (solution de circulation par exemple) pour que nos clients restaurateurs puissent envisager la reprise sereinement.
Selon vous, comment cette crise va impacter les usages et habitudes de vos clients ?
Nous allons mettre du temps à revenir aux chiffres d’affaires que l’on faisait « avant », parce que l’on estime que 30 à 40 % de nos clients restaurateurs ne pourront pas ouvrir de nouveau. A nous de nous réinventer maintenant, notamment sur la livraison. Il faut que nous soyons plus flexibles, ne pas faire des livraisons que par camion. Nous envisageons notamment des livraisons en scooter, à vélo qui seront plus en lien avec les attentes consommateurs. Le restaurateur doit répondre à une demande des consommateurs qui va vite. A nous de nous adapter pour y répondre. Si un restaurateur a besoin d’un filet de saumon uniquement pour une livraison dans 20 minutes, il faut que l’on soit capable d’y répondre.
Nos clients vont s’orienter sur le local, on le voit déjà. Cette crise sanitaire, la présence de ce virus, engendre une demande de plus de transparence et de traçabilité. Aujourd’hui si l’on a pu conserver une partie de nos activités en cette période de confinement, c’est grâce à notre tissu local qui permet d’assurer un service minimal auprès de nos clients. La production locale était déjà très plébiscitée, maintenant c’est incontournable. Cela va perdurer après la crise.
Et plus largement selon vous quel impact sur la consommation et la restauration ?
A mon avis, une autre vision de la restauration va voir le jour. Les consommateurs vont revenir vers les restaurants, mais différemment. Aller au restaurant cela ne va plus forcément vouloir dire se déplacer. Cela pourra aussi être « je me fais livrer ». Il y aura un côté déporté pour la restauration mais je suis persuadé que les consommateurs continueront à consommer et à se faire plaisir.
Je vois moins les consommateurs retourner dans les bars à cause du regroupement et de la proximité. Malheureusement les bars aujourd’hui n’ont pas beaucoup de solutions pour atteindre le consommateur en livraison sauf à voir de nouvelles initiatives émerger via des startup.
Il va y avoir une peur qui va perdurer je pense pendant 1 ou 2 ans sur le fait de se regrouper, ce confinement, cette crise marquera les esprits. Le regroupement inquiète beaucoup les consommateurs. Nos équipes également. Nous sentons qu’elles ont besoin d’être rassurées. Nous devons mettre en place des solutions pour les préserver car le commerce reste un métier de proximité et de contact avec les clients, même à 1 mètre de distance !
Il va falloir tirer les enseignements de cette crise sanitaire. Je suis ravi de sentir cette envie de revenir aux produits locaux, aux produits français. J’espère que cela restera après la crise. La mondialisation a eu son temps, aujourd’hui on se rend compte que l’on a été trop dépendant d’autres pays, tant sur les services que sur l’alimentaire. On a la chance d’être le pays de la gastronomie et d’avoir une vraie richesse agricole et alimentaire en France, il faut s’appuyer sur nos filières et nos expertises et les valoriser.
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